Le Nin et le Sabre

Après le cours de sabre d’hier soir et l’observation des pratiquants, une évidence s’est matérialisée pour moi que je vais essayer de conceptualiser avec des mots en essayant de ne pas perdre l’idée originale.

Au Nin, nous pratiquons un art avant tout externe. Et c’est après de très nombreuses années que nous prenons conscience du monde de l’interne et de l’infinité de ces nouveaux univers.

Beaucoup trop de jeunes ceintures noires ou vertes foncées intellectualisent ce qu’ils ont lu ou entendu sur la pratique interne (et pas que dans le Nin) ; ils commencent alors à pratiquer une mauvaise confiture externe-interne. Du coup ils deviennent mauvais en externe et toujours inexistant en interne.

Hier soir en regardant les élèves je me suis rendu compte de la vérité criante d’une pratique aussi redoutable que le sabre. Il n’y a plus de tricherie, plus de vitesse ou de force pour cacher les défauts du physiques, du mental, de la technique, du travail…

Le pratiquant apparaît comme il est, dans son plus simple appareil. Il montre à la fois sa forme externe mais surtout son fond interne.

Les défauts et les qualités du pratiquant sont révélés à la puissance dix.
 Pas assez de chi pour certain et pour d’autre aucun rattachement au ciel.
 Comment « agir centrer » quand pour certain, il n’est même pas possible de se « concentrer », en laissant papillonner le mental.
 Le discernement est pour moi une des clés majeures pour un pratiquant. Comment évoluer, si déjà sur le plan physique, l’élève ne corrige pas de lui-même une mauvaise posture alors qu’il a un modèle devant lui (et je ne parle que de postures statiques).
 Le sabre ne fait aucune concession au manque d’autodiscipline et surtout de travail. Si le kata n’est pas su, s’il n’est pas travailler, répéter physiquement et mentalement, il n’intègrera jamais la mémoire du corps.

La lame agit comme un miroir intérieur. Ce miroir reflète le niveau réel du pratiquant, mais aussi son monde intérieur : son égo, ses doutes, ses peurs mais aussi sa générosité, son amour, sa volonté, ses talents…

Il y a encore quelques années, je ne comprenais pas pourquoi Jean-François était si attaché à la pratique du sabre. Moi, j’adorais juste ça. Donc je ne cherchais pas plus loin que l’enchantement de la pratique.
Mais je comprends maintenant que le iai « révèle » le pratiquant. Il est un baromètre, un étalon du niveau d’évolution d’un pratiquant.
La pratique interne du sabre permet de gagner un temps fou et surtout d’arrêter de se mentir à soi-même.
Etant tombée dedans qu’en j’étais petite, je me rends compte maintenant du temps gagné grâce à l’enseignement de mes sensei.

En conclusion, à ceux qui viennent s’asseoir en seisa avec un sabre à la ceinture je vous dis bravo et bon courage, car vous avez choisi consciemment ou inconsciemment surement une des voie les plus dures d’exploration de la pratique interne.

Mais maintenant vous êtes prévenus, ayez conscience que dès que vous dégainez le sabre c’est vous qui sortez du saya.

Merci d'avoir apporté une pierre à l'édifice

Merciiii beaucoup Virginie pour ce message. Ton regard est toujours aussi juste et important pour moi. Tu expliques les choses avec simplicité, mais face aux voiles de l'illusion il n'y a que notre sabre pour les trancher. Ton message me permet déjà de me dire que ces voiles sont bel et bien là! Et comme tu le rappelles, le sabre mutliplie par 1000 les défauts que nous tentons de cacher aux autres et à nous-mêmes. Et c'est par notre pratique, que toi et Jean-François voyez mieux en nous que nous-mêmes en sommes capables parfois.